Historique

Les 20 et 21 août 2001 se sont tenus à Hourtin, dans le cadre de l’Université d’été de la Communication, les premiers Entretiens de l’Information.
Quel est le sens de cette démarche, quelles sont ses motivations, sa méthode, quels sont ses objectifs, alors que se fait sentir avec force l’urgence du débat public sur le traitement de l’information ?

Pourquoi les Entretiens de l’information ?

Le traitement de l’information fait aujourd’hui, de plus en plus souvent, débat. Un débat qui manifeste un décalage entre la société et ceux qui produisent l’information. Les uns ont le sentiment que l’information n’est pas suffisamment fiable, qu’elle présente une hiérarchie des faits ou des problèmes qui prête à discussion, qu’elle souffre de préoccupations liées à la recherche du spectaculaire, à la concurrence entre les médias. Ils posent la question de la responsabilité des journalistes et de leurs entreprises, et les interrogent sur leur déontologie et les moyens de la faire respecter. Les journalistes, quant à eux, comme les entreprises de médias, invoquent les conditions d’exercice de leur activité, les contraintes qui sont les leurs, qu’il s’agisse de la rapidité, des techniques ou de l’économie.

Le constat de ce décalage milite pour que s’organise dans la société un débat public régulier concernant les modalités du traitement de l’information et les moyens pour l’améliorer. L’analyse des conditions concrètes de l’exercice du travail de journaliste apporte d’autres arguments, en faveur d’un tel débat. En tout premier lieu, la question de la responsabilité individuelle et collective : les transformations de l’économie du système d’information, son internationalisation, les technologies mises en œuvre, semblent diluer la représentation que les journalistes et leurs hiérarchies se font de leur responsabilité. Il s’agit pourtant de la seule garantie qui puisse être donnée, alors que par nature l’information confronte toujours à l’urgence et à l’imprévisibilité des situations. Il n’est d’autre alternative que de travailler en amont et pour ce faire, concentrer les efforts sur la formation, ainsi que sur une réflexion concernant la manière dont ont été traités les problèmes précédents.

Bien des moyens peuvent être imaginés pour répondre à une telle exigence. La plupart relèvent des initiatives des médias eux-mêmes (séminaires de rédaction, formation permanente, médiateurs, etc.), voire des syndicats ou associations de journalistes, comme des organisations professionnelles (études, groupes de réflexion, recommandations, chartes, etc.). Il manquait cependant, jusqu’ici, un niveau, celui d’un débat et d’une réflexion, publics, réunissant les journalistes, leurs écoles, les entreprises, les acteurs de l’actualité, les représentants de la société civile. Telle est l’ambition des Entretiens de l’Information.

Comment ?

Au départ de chaque Entretien, il y a les événements ou sujets d’actualité dont le traitement a fait problème : des journalistes ou des responsables de médias ont le sentiment que le traitement a été défaillant. Des sources contestent la présentation qui est faite. Le public ou des composantes de celui-ci ont le sentiment d’avoir reçu des informations peu fiables, biaisées, partielles, choquantes, sujettes à créer des tensions inutiles au sein de la société elle-même. Des intellectuels, des autorités morales, des experts, des représentants de grands mouvements sociaux (syndicats, associations, églises, etc.) portent un regard particulièrement critique. Tous sont donc appelés à nourrir la démarche initiale des Entretiens.

Concrètement, l’identification des sujets s’opère au sein d’un « groupe de préparation », à la composition très plurielle, puisqu’on y retrouve des journalistes, des syndicalistes, des médiateurs, des éditeurs, des représentants d’entreprises de médias, des responsables d’école de journalisme, des représentants d’associations ou de mouvements, des avocats, des magistrats, des chercheurs et des universitaires. Ils constituent une sorte de vigie, de plaque sensible, qui va exprimer les principales difficultés apparues durant l’année. Ils les hiérarchisent, pour finalement en choisir trois ou quatre, sur lesquels il importe de revenir, afin de comprendre comment les rédactions ont travaillé, pourquoi elles l’ont fait ainsi, ce qui a fait problème et comment il pourrait être possible de procéder différemment et mieux. Ils définissent la formule de débat et le programme qui paraît le plus adapté à la réflexion.

Les Entretiens peuvent prendre la forme «séminaire», à la fin de l’été. Ils regroupent alors plusieurs thèmes de l’année professionnelle qui se conclue, et symbolisent la volonté de préparer la nouvelle année nourrie de ce type d’analyse et de réflexion. Chaque thème est préparé par un travail documentaire. Il donne lieu à un éclairage de fond par quelques spécialistes reconnus (chercheurs, universitaires, intellectuels, spécialistes) et est discuté dans le cadre de tables rondes réunissant les principales parties prenantes, ouvertes aux questionnements du public. Les Entretiens sont aussi réactifs, directement en lien avec l’urgence des situations qui font problème. Ils se déroulent alors dans un lieu public, à Paris ou dans une ville métropole. Il s’agit alors de toucher un public plus large. La préparation et le déroulement sont plus sobres. Leur contenu fait désormais l’objet d’une publication.

Qui ?

Les Entretiens de l’information ont d’abord été la démarche d’un collectif regroupant des individus (journalistes, éditeurs, avocats, magistrats, chercheurs, universitaires, etc.), des entreprises, des syndicats, des écoles, des organisations professionnelles, des associations, des mouvements. Ils se transforment maintenant en association.
La structure se doit d’être légère, flexible, largement ouverte. Les Entretiens n’ont de raison d’être que dans la mesure où toute fonction, toute responsabilité, tout secteur professionnel, toute entreprise, toute sensibilité peuvent s’y exprimer librement.

Où et quand ?

Les Entretiens de l’information se conçoivent au cours des réunions du groupe de préparation qui se tiennent régulièrement, donnant lieu à des discussions larges et approfondies. Ils se tiennent sous leur forme « séminaire, » à Hourtin, accueillis par l’Université de la communication, dans la seconde moitié du mois d’août. Ils prennent également la forme «d’éditions spéciales», réagissant à une situation d’urgence. Leur vocation est alors d’être plus larges et le plus ouverts possible.

Pour aller où ?

Les Entretiens de l’information partent de la conviction que la meilleure garantie de la qualité de l’information relève de la responsabilité individuelle et collective des journalistes. Ils entendent être une contribution à celle-ci par les réflexions, discussions, confrontations qui s’y tiennent. Une telle démarche ne peut que s’inscrire dans la durée. En tant que tels, les Entretiens de l’Information ont vocation à stimuler des démarches de formation, de réflexion interne aux rédactions, de dialogue entre les rédactions et leur public, etc. d’où la place privilégiée qui est faite aux écoles de journalisme et aux médiateurs. Ils n’ont en revanche aucune prétention préconisatrice ou normative. A chacun d’en tirer les conclusions qui le concerne.

Jean-Marie Charon